Notions de toxicologie​

8. Comment évaluer un effet toxique ?

L’évaluation de la toxicité s’appuie sur des études qualitatives (non mesurables) ou quantitatives (mesurables) adéquates. Il existe plusieurs types d’études qui nous permettent d’évaluer les effets d’un toxique. On peut les classer dans quatre catégories (figure 12) :

  • les études épidémiologiques, qui comparent plusieurs groupes d’individus ou les études de cas;
  • les études expérimentales in vivo, qui utilisent des animaux (ex. : lapin, rat et souris);
  • les études in vitro, effectuées sur des cultures de tissus ou des cellules; et
  • les études théoriques par modélisation (ex. : structure-activité).
Figure 12.
Les différents types d’études

Les différents types d’études

On utilise fréquemment une terminologie pratique mais arbitraire pour désigner les diverses formes d’intoxication selon la fréquence et la durée de l’exposition (tableau 10).

Tableau 10.
Les formes d’intoxication
Forme d'intoxication Fréquence d'administration Durée de l'exposition
AIGUË
Unique
< 24 heures
SUBAIGUË
Répétée
<= 1 mois
SUBCHRONIQUE
Répétée
de 1 à 3 mois
CHRONIQUE
Répétée
> 3 mois

Cependant, la distinction entre exposition aiguë et effet aigu ainsi qu’entre exposition chronique et effet chronique est souvent difficile à faire. Certains effets sont également difficiles à classer dans une catégorie, puisqu’une exposition aiguë peut causer un effet chronique. Ainsi, le pronostic entre l’exposition et l’effet n’est pas nécessairement prévisible (tableau 11).

 

8.1  La toxicité aiguë (à court terme)

Une façon pratique de caractériser la toxicité d’une substance consiste à déterminer sa dose létale 50 (DL50). Cette dose permet d’identifier les symptômes de l’intoxication et de comparer les substances entre elles quant à leur potentiel toxique. Elle sert souvent de point de départ des études de toxicité, car elle fournit un minimum de connaissances.

La DL50 correspond à la dose d’une substance pouvant causer la mort de 50 % d’une population animale dans des conditions d’expérimentation précises. On administre généralement le produit à des rats ou à des souris répartis en plusieurs groupes, et ce, à des doses croissantes suffisantes pour obtenir un pourcentage de mortalité s’échelonnant entre 0 % et 100 % (figure 13). Lorsqu’il s’agit d’un toxique qui est inhalé, on parle de concentration létale 50 (CL50) pour exprimer la concentration du toxique dans l’air inspiré qui cause la mort de 50 % des animaux.

Tableau 11.
Comparaison entre l'exposition aiguë ou chronique et l'effet aigu ou chronique
EFFET
AIGU
CHRONIQUE
EXPOSITION AIGUË Effet à court terme à la suite d’une exposition à court terme (ex. : irritation cutanée causée par le contact avec une solution très diluée d’acide sulfurique) Effet à long terme à la suite d’une exposition à court terme (ex. : trouble respiratoire persistant à la suite d’une courte inhalation d’une forte concentration de chlore)
CHRONIQUE Effet à court terme à la suite d’une exposition à long terme (ex. : sensibilisation cutanée à l’éthylènediamine à la suite d’un contact pendant plusieurs années) Effet à long terme à la suite d’une exposition à long terme (ex. : cancer du foie, du poumon, du cerveau et du système hématopoïétique causé par l’exposition à des doses élevées de chlorure de vinyle pendant plusieurs années)

 

Figure 13
Détermination de la dose létale 50 (DL 50)

Détermination de la dose létale 50 (DL 50)

L'indice DL 50 sert fréquemment pour exprimer la toxicité aiguë ainsi que pour classer et comparer les toxiques. Il a cependant une valeur très limitée, car il ne concerne que la mortalité et ne donne aucune information sur les mécanismes en jeu et la nature des lésions.

Il s’agit d’une appréciation grossière et préliminaire (première analyse) qui peut être influencée par plusieurs facteurs tels l’espèce animale, le sexe, l’âge, le moment de la journée, etc. (tableau 12).

Il existe d’autres méthodes d’étude de la toxicité, par exemple les tests d’irritation et de corrosion de la peau et des yeux, qui font généralement partie d’un programme d’évaluation toxicologique.

Tableau 12
Influence de facteurs sur la dose létale 50, et concentration létale 50 de trois produits
 
Produit (utilisation) Espèce animale Dose létale 50 (g/kg)1 Concentration létale
(ppm/4 h)2
Voie orale Voie cutanée
Acétone (solvant)
lapin
rat
souris
5,34
5,80
3,00
20,00
---
---
---
29 853,00
---
Acroléine
(fabrication de
polymères)
hamster
lapin
rat
souris
---
---
0,046
0,028
---
0,20
---
---
25,40
---
8,30
---
Méthanol
(solvant)
lapin
rat
souris
14,41
6,20
7,30
15,80
---
---
---
64,00
---
 
1. Quantité exprimée en gramme par kilogramme (g/kg).
2. Concentration dans l’air exprimée en partie par million (ppm) pour une période de quatre heures (4 h).
 

Il existe d'autres méthodes d'étude de la toxicité, par exemple les tests d'irritation de la peau et de corrosion des yeux, qui font généralement partie d'un programme d'évaluation toxicologique.

8.2  La toxicité chronique

Certains effets néfastes peuvent prendre plusieurs semaines ou de nombreuses années avant d’être diagnostiqués et éventuellement se révéler irréversibles (ex. : la neurotoxicité de l’hexane). L’évaluation de la toxicité aiguë ne permet pas de prédire ce type de toxicité d’une substance. Des études destinées à évaluer la toxicité chronique doivent donc être effectuées. Celles-ci durent plusieurs mois ou années et supposent l’administration de plus d’une dose à des intervalles variant selon la méthode employée.

Le terme chronique caractérise bien l’objet de ce type d’évaluation. Ces études, qualifiées de pluridisciplinaires, sont généralement effectuées par plusieurs chercheurs spécialisés dans différents aspects de la toxicologie, par exemple l’immunotoxicologie et la cancérogénicité. Elles supposent généralement la collaboration de chercheurs de divers domaines scientifiques, comme la chimie, la biochimie, la biologie et la médecine.