Répertoire toxicologiqueToxicologie et effet sur la santéNotions de toxicologieNotions - Qu'est-ce qu'un effet toxique ?
Lorsqu’un individu absorbe des produits chimiques, divers effets biologiques peuvent se produire et se révéler bénéfiques (ex. : l’amélioration de la santé après l’administration d’un médicament) ou néfastes (ex. : une atteinte pulmonaire suivant l’inhalation d’un gaz corrosif). La notion d’effet toxique suppose des conséquences nocives pour l’organisme.
Le fait d’inhaler, de toucher et même d’ingérer des substances chimiques n’entraîne pas nécessairement un effet toxique. Par exemple, le dioxyde de carbone (CO2) est un métabolite du corps humain expiré par les poumons qui se trouve également dans l’environnement. Il cause l’asphyxie s’il est présent en quantité suffisante dans un espace clos ou mal ventilé. Paradoxalement, l’absorption d’une substance en faible quantité peut s’avérer très toxique et provoquer des lésions graves, tandis que l’absorption en grande quantité d’une autre substance peu toxique peut produire un effet bénin. L’effet toxique est ainsi lié à la notion de toxicité.
La toxicité englobe l’ensemble des effets néfastes d’un toxique sur un organisme vivant. Autrement dit, il s’agit de la capacité inhérente à une substance chimique de produire des effets nocifs chez un organisme vivant (tableau 5) et qui en font une substance dangereuse.
L’effet néfaste est lié à la dose, à la voie d’absorption, au type et à la gravité des lésions ainsi qu’au temps nécessaire à l’apparition d’une lésion.
Un effet aigu se fait sentir dans un temps relativement court (minutes, heures, jours), tandis qu’un effet chronique ne se manifeste qu’après un temps d’exposition relativement long et de façon permanente (semaines, mois, années). Un effet local survient au point de contact, tandis qu’un effet systémique survient à un endroit éloigné du point de contact initial.
Tableau 5. Effets toxiques sur certains tissus et systèmes biologiques
Système et organe
Effet ou signe clinique
Oeil
Irritation, corrosion
Peau
Irritation, corrosion, dermatose
Système digestif
Système cardiovasculaire
Rythme cardiaque anormal
Système nerveux central
Dépression (nausée, vomissement, étourdissement)
Système nerveux périphérique
Neuropathie (perte de sensation, trouble de la coordination)
Système respiratoire
Irritation, corrosion, essoufflement
Système sanguin
Carboxyhémoglobinémie
Système urinaire
Urine très foncée, sang dans les urines
L'effet toxique est le résultat d'un processus souvent complexe et il peut entraîner une série de réactions physiologiques et métaboliques (figure 5).
Figure 5. Effets d'un gaz irritant sur le système respiratoire
La majorité des toxiques doivent généralement pénétrer dans l'organisme pour produire des effets néfastes, sauf ceux causant des effets locaux. Généralement, pour qu'un effet toxique puisse se produire, il faut que l'organisme soit exposé à un toxique, que ce toxique y pénètre et que l'organisme en absorbe une quantité suffisante pour perturber son fonctionnement. La figure 6 résume la séquence de ces événements.
Figure 6. De l'exposition à l'effet toxique
Les organismes fonctionnent dans des conditions relativement constantes (pH, oxygène, autres). C'est ce que l'on appelle l'homéostasie ou la constance du milieu intérieur. Les organismes vivants cherchent à maintenir cet équilibre afin de conserver un degré optimal de fonctionnement. Le corps humain est un ensemble de systèmes finement rodés qui peut s'adapter à de nombreuses situations d'agression, tant biologiques que physiques ou chimiques. Les processus d'adaptation de l'organisme fonctionnent continuellement pour veiller à maintenir cet équilibre. Quand cet équilibre est perturbé, cela entraîne un dysfonctionnement, c'est l'effet toxique. Il y a alors mobilisation d'une partie de l'organisme et parfois de tout l'organisme ; des réactions diverses sont déclenchées pour répondre à l'agression et rétablir l'équilibre rompu.
L'organisme peut résister à une agression toxique en autant qu'elle s'effectue à l'intérieur des limites de ses mécanismes de détoxication, d'homéostasie et de réparation. Au delà, les mécanismes de compensation ne peuvent suffire à la tâche. Le système de défense ne peut alors contrer les effets toxiques et des manifestations, réversibles ou non, peuvent s'ensuivre. L’évolution de la réponse de l’organisme à une agression toxique est résumée dans la figure 7 et le tableau 7.
La gravité, l'intensité et la nature des symptômes liés à une exposition à un toxique varient en fonction de plusieurs facteurs tels que la toxicité du produit, la dose reçue, la voie d'exposition et la susceptibilité de l'organisme. L'évaluation et le pronostic sont très variables et sont liés aux symptômes ainsi qu'à leur évolution (tableau 6).
Tableau 6. Gravité d'un effet toxique
Degré de gravité
Bénin
Modéré
Grave
Fatal
Effet
Modification biochimique
Augmentation du volume et du poids d'un organe
Atteinte morphologique d'un organe
Décès
Exemple
Inhibition des cholinestérases causée par l'exposition au malathion
Hyperplasie du foie causée par l'exposition au chlorure de vinyle
Neuropathie avec trouble de la motricité lors de l'exposition à l'hexane
Arrêt respiratoire causé par une intoxication grave aux cyanures
Figure 7. Évolution de la réponse de l'organisme à une agression toxique
Les effets causés par un toxique peuvent se traduire en changements fonctionnels ou lésionnels (morphologie). Les premiers touchent l'atteinte transitoire d'une fonction de l'organisme ou d'un organe (ex. : une modification de la fréquence respiratoire lors de l'exposition à un asphyxiant simple) sans créer de lésions et ils sont généralement réversibles. Les seconds causent une lésion à un ou à plusieurs tissus ou organes (ex. : fibrose pulmonaire causée par l'exposition chronique à la silice cristalline) sans que le sujet présente des signes cliniques et sont souvent irréversibles. Enfin, des altérations biochimiques peuvent également se produire sans être accompagnées de changements morphologiques apparents (ex. : l'inhibition des cholinestérases causée par les insecticides organophosphorés).
Tableau 7. Détérioration progressive de l'état de santé
Les toxiques ne produisent pas des effets de même intensité sur tous les organes (ex. : le rein) ou les tissus (ex. : le sang). Ils s'attaquent à des organes en particulier, les organes cibles, pour des raisons qui ne sont pas toujours comprises. Il peut y avoir plusieurs raisons, dont une sensibilité plus grande de ces organes, une concentration plus élevée du toxique et/ou de ses métabolites, etc. Par exemple, le foie est un organe cible pour le chlorure de vinyle.
Certains effets toxiques sont réversibles (ils disparaissent plus ou moins rapidement après l'arrêt de l'exposition) tandis que d'autres sont irréversibles (ils persistent ou s'aggravent après l'arrêt de l'exposition).
Des changements adaptatifs causés par un produit chimique dans un tissu ou un organe peuvent être accompagnés de changements fonctionnels et morphologiques. De tels changements peuvent être réversibles si on prévient ou arrête l'exposition. Cependant, dans certains cas, l'interruption de l'exposition n'est pas suivie d'une récupération. Il s'agit alors de changements irréversibles (figure 8).
Ainsi, pour un tissu tel que celui du foie, qui a une importante capacité de régénération, la majorité des atteintes sont réversibles ; au contraire, elles sont généralement irréversibles lorsqu'il s'agit d'une atteinte du système nerveux central, les neurones ne pouvant pas être facilement remplacés. Des effets tels que la cancérogénicité et la tératogénicité sont généralement considérés comme des effets irréversibles.
Figure 8. La réversibilité et l’irréversibilité d’une atteinte résultant d’une intoxication
Les intoxications ne sont pas toujours imputables au travail. Par exemple :
Les effets toxiques peuvent être classés de diverses façons, selon, par exemple :
La classification des toxiques est donc abordée de plusieurs points de vue. Elle dépend souvent du domaine d'application, de l'objectif poursuivi par un organisme ou même du champ d'activité d'un individu. Le tableau 8 présente quelques exemples de classification utilisant des critères présentés plus haut.
Tableau 8. Classification des produits chimiques
Nature de l'effet
Tissu, organe ou système biologique affecté
Asphyxie :
Rein :
Cancer :
Sang :
Corrosion :
Système nerveux :
Utilisation du produit
Famille chimique du produit
Colorant :
Acides :
Pesticide :
Hydrocarbures aliphatiques :
Solvant :
Hydrocarbures aromatiques :